Le Nouveau Front populaire à l’assaut de l’Amérique du Nord

Aux Etats-Unis comme au Canada, les militants se pressent pour distribuer les tracts du NFP.
Objectif : convaincre les nombreux abstentionnistes et les électeurs Renaissance déçus de voter pour la gauche et faire barrage au RN.

par Salomé Kourdouli, correspondance à Washington, publié aujourd’hui à 11h19

Tracts en main, Christian et Maya gravissent les quelques marches jusqu’à la porte d’entrée. La sonnette retentit et une silhouette s’approche de la porte vitrée. «Bonjour, nous sommes militants du Nouveau Front populaire, on vient vous parler des législatives et de notre candidat, Oussama Laraichi», lance Christian, grand sourire aux lèvres et encore vêtu de son costume, tout juste sorti du travail à Washington. L’échange se poursuit, le programme est détaillé, le parcours du candidat aussi, et Maya insiste, «dans notre circonscription, quatre Français sur cinq ne votent pas, alors chaque voix compte». «Je vais voter en ligne maintenant», sourit la jeune Française en repoussant la porte, le regard complice.

Dans la 1re circonscription des Français de l’étranger, qui comprend les Etats-Unis et le Canada, le Nouveau Front populaire se démène pour s’imposer. Mais la campagne n’est pas simple. Le territoire est immense et même si les consulats tapissent les deux pays, difficile de toucher l’ensemble des 260 000 Français qui y sont dispersés. L’enjeu : l’abstention. En Amérique du Nord, environ 20 % des Français ont voté aux dernières élections législatives de 2022, et tout juste 15 % s’étaient déplacés pour les européennes au début du mois, trois fois moins qu’en France.

Meetings virtuels et réunions physiques

«La campagne est quasiment exclusivement en ligne», explique Oussama Laraichi, candidat pour le NFP, issu du parti Les Ecologistes. Installé aux Etats-Unis depuis dix ans et désormais à Chicago, le candidat participe à plusieurs meetings virtuels et une poignée de réunions physiques. «On crée des événements là où il y a la plus grosse concentration de militants, donc à New York et à Montréal», poursuit-il, ajoutant qu’il «ne faut pas oublier que je suis écologiste, je ne vais pas me déplacer à tout va en avion».

Entre les deux pays, «il y a des différences, le vote au Canada est plus à gauche qu’aux Etats-Unis», détaille Morgane Rolland, suppléante socialiste du Nouveau Front populaire, installée à Washington. Aux Etats-Unis, tout dépend des régions : en Floride par exemple, un Etat conservateur, les Français votent beaucoup plus à droite. Mais globalement, les Français d’Amérique du Nord penchent plutôt pour Renaissance. La gauche, avec la Nupes en 2022, est arrivée juste derrière.

«L’outil le plus important pour notre campagne, c’est la liste électorale consulaire», explique la virologue de profession. Cette liste, accessible pour les candidats en campagne, contient l’ensemble des coordonnées, dont l’adresse et le mail, des Français inscrits sur la liste consulaire. Ce qui permet aux militants comme Christian et Maya, à l’aide d’une carte, de savoir où trouver des électeurs. Et quand la sonnette retentit dans le vide, un tract est coincé dans l’ouverture de la porte ou posé sur la boîte aux lettres - la loi américaine interdit le tractage à l’intérieur des boîtes. Tous recevront de toute façon les mails de campagne.

Francis Cabrel et matchs de l’Euro

Pour toucher un peu plus de Français, les militants ciblent aussi les événements susceptibles de les rassembler. «Notre première opération, c’était le mercredi 12 juin, donc trois jours après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée, raconte Sarah El Yafi, militante encartée au Parti socialiste et installée à New York depuis un an. On est allés tracter et chanter devant la salle qui accueillait un concert de Francis Cabrel. On a détourné Petite Marie en “Petite Marine”», se souvient-elle. Au son de «Petite Marine, tu ne passeras pas /La gauche va faire bloc contre toi /Tu n’auras pas ma voix /Tu fais peser sur ma vie /Toutes tes névroses», les militants font entendre la détermination du Nouveau Front populaire. De même, à quelques centaines de kilomètres plus au nord, au Canada, où des militants comme Franck Brulet, engagé chez La France insoumise depuis sept ans, se rendent au concert de Christophe Maé à Gatineau, à côté d’Ottawa, ou aux matchs de France de l’Euro pour tracter.

La difficulté, c’est de faire comprendre qu’un vote pour le Nouveau Front Populaire empêche le Rassemblement National (RN) d’accéder au pouvoir, comme la candidature du RN en Amérique du Nord n’a aucune chance de l’emporter. Dans la circonscription, l’élection se joue entre le candidat macroniste, Roland Lescure, et le Nouveau Front Populaire. «Même si les Français ne votent pas pour faire barrage dans notre circonscription, ils votent pour faire barrage en France. Et pour faire barrage en France, il faut un plus gros groupe Front Populaire», justifie Morgane Rolland. Elle a l’espoir de voir un sursaut chez les Français installés aux Etats-Unis et au Canada. «On a eu Trump ici, on en a vu les conséquences», souffle-t-elle. Signe d’une mobilisation des Français en Amérique du Nord ? Mardi, à l’ouverture du vote en ligne, le site du gouvernement a cessé de fonctionner plus d’une heure, incapable de supporter l’afflux d’électeurs.